Superman & The Authority – L’Homme d’Acier selon Grant Morrison
Note: Cet article est susceptible de contenir quelques spoils concernant Superman & The Authority.
De plus, conformément à la demande de Grant Morrison (qui s’est déclaré non-binaire) cet article sera donc rédigé en respectant les règles qui suivent dans ce cas.
J’utiliserai donc “iel” plutôt que “il ou elle”, ainsi que “lo” en place de “le/la”.
Les verbes seront également conjugués en conséquence.
Ceci étant fait par respect pour Grant Morrison, je vous invite à l’être également ou de passer outre ce texte si l’écriture dite “inclusive” vous gêne.
Je rappelle seulement que je ne suis en aucun cas spécialiste de ce type d’écriture et que si le texte suivant comporte des fautes, n’hésitez pas à me le faire savoir si vous avez une meilleure maîtrise de celle-ci.
Dur de résumer une carrière, encore plus s’il s’agit de celle de Grant Morrison, l’écossais.e n’a jamais cessé d’offrir une évolution sans pareille au monde des comics des années 90 puis 2000, avec des récits et séries aujourd’hui entrées dans la légende.
Un bilan plus que positif, Morrison étant aujourd’hui une figure majeure de l’industrie dont le travail fascine autant que la personne. Pourtant, aucune rétrospective sur son œuvre ici, simplement une analyse de son travail le plus récent : Superman & The Authority.
“A finner world.”
Superman et Morrison.
Quand lo scénariste met son inventivité au service de l’icône ultime du monde super-héroïque il est question de All-Star Superman, rien que ça. Un titre très largement considéré comme une des pierres angulaires du mythe et comme un des meilleurs comic book de l’histoire.
Une rencontre tout aussi mémorable que celle de Morrison et Frank Quietly qui donneront naissance à ce récit et bien d’autres ! Leur fusion créative est presque inégalable tant l’écriture de Morrison est perçue comme une extension du talent visuel de Quietly et inversement.
Notons aussi le run de 17 numéros au début des New 52 sur Action Comics. Un run que j’aime beaucoup à titre personnel et que je vous recommande fortement.
Autorité dans l’équation
S’arrêter sur une réussite telle que All-Star Superman celle-ci aurait pu marquer les esprits. Mais Morrison nous revient dès aujourd’hui avec un nouveau titre, aux allures moins épiques et mémorables que son récit All-Star. Pourtant, Grant Morrison étant Grant Morrison interdit pour moi de passer outre.
D’autant plus que cette fois-ci l’auteur.ice s’entoure d’une équipe tout aussi flamboyante que Superman lui-même en la personne de Mikel Janin et la coloriste Jordie Bellaire. Une dream team donc et un pari risqué que de reprendre en main un personnage aussi controversé que Superman dans une époque qui n’arrive jamais à trancher sur l’utilité de ce dernier.
Comme dit plus tôt, l’auteur.ice écossais.e et Superman possèdent une histoire commune et généralement marquée par les louanges des lecteur.ices.
Si Morrison crée de la division et du débat, il est indéniable que ses récits fonctionnent et impactent réellement le lectorat. Iel fait partie des scénaristes qui savent captiver leur public. Cela vaut pour ses récits que son personnage IRL, un talent indéniable qui lui a ouvert les portes de plusieurs grandes séries et univers afin d’y déposer une marque encore bien visible aujourd’hui.
Back to USA
Superman & The Authority s’ouvre sur une discussion entre l’homme d’acier et le président américain John Fitzgerald Kennedy.
Retour dans les 60’s donc, une période que l’on appelle communément “l’âge d’or”. Morrison s’efforce de la décrire ainsi au travers de cette rencontre entre deux icônes américaines.
JFK écrit par Morrison est un être souriant, radieux et porteur d’espoir pour le peuple américain. Il a l’idée d’un futur plus sûr pour les générations à venir.
C’est un parallèle intéressant que de le confronter à Superman lui qui, lors de son mandat, pouvait facilement être comparé à l’Homme d’acier. Un homme se battant pour les idéaux dont rêve le peuple qu’il dirige, un Superman en costard répondant à la question du : “Et si Superman avait été président en 1963 ?”.
Drôle de question qui sonne comme une énième métaphore sortie de l’esprit de Morrison.
Du noir dans l’âge d’or
A cette structure et cette époque, Morrison y confronte Manchester Black.
Black se réveille dans un taudis, il est sale, mal coiffé et pas l’image que l’on pourrait se faire d’un civil vivant dans le “futur radieux” que l’on nous a servi plus tôt.
Juxtaposition intéressante de la part de Morrison que de confronter deux visions diamétralement opposées, la splendeur de la Maison Blanche fait face au taudis dans lequel habite Manchester Black. Ce dernier, que beaucoup qualifierait d’antisystème n’en a que faire. Rien ne lui ferait plus plaisir que de voir le monde brûler alors qu’il dort paisiblement a deux pâtés de maison de l’apocalypse.
Seulement nous lisons un récit et celui-ci se doit d’avancer peu importe les revendications de Black. Rapidement interpellés par les forces de l’ordre, Black use de ses pouvoirs avant de se faire arrêter par Superman ! Et quel Superman !
Mikel Janin dessine ici une ombre, un spectre surhumain bien loin du modèle étincelant servant l’introduction. Voilà sans doute un premier axe d’information sur ce que Morrison souhaite faire de sa série. Quel concept iel souhaite utiliser.
Ce Superman s’éloigne bien du message d’espoir promis à JFK. Il porte sans doute ce message en lui mais il est enfoui sous des décennies de combats, de défaites et de désillusion. Il le résume d’ailleurs en comparant son échec à une chute de dominos allant de JFK à Doomsday en passant par Martin Luther King ou Darkseid.
Notre monde croise ainsi celui de la distinguée concurrence et encore une fois Morrison use et abuse avec brio de concepts ayant fait sa renommé.e. Un certain goût de récit du silver age se fait sentir, Superman dévoile la situation à Manchester Black, pourquoi il a besoin de lui et d’autres pour composer une équipe. Mais cela sert à présenter la mythologie et le passé d’un monde encore inconnu pour le/la lecteur.ice.
Un moment de lecture intense et qui saura ravir les fans de l’auteur.ice
Imagerie d’un nouveau monde
Pour accompagner quelqu’un d’aussi talentueux.se que Morrison rien de tel que Mikel Janin et Jordie Bellaire.
Lorsque le récit se lance Janin adopte un trait très clair et radieux raccord avec l’époque. JFK et Superman sont deux icônes que l’artiste se doit de magnifier, idéalisant le passé.
Superman n’a jamais été aussi beau, Kennedy se dresse en symbole et la colo de Jordie Bellaire crée une distance avec cela comme un instantané.
Si Janin fait évoluer son trait, Bellaire l’immortalise comme un souvenir, tout semble lointain et presque conscient du décalage temporel. Superman s’amuse sur la Lune avec des astronautes et le trait s’estompe. Dallas 1963, on sait ou cela va nous mener mais l’imagerie nous fait croire à une happy end.
Non, car au final celle-ci se permet d’être une sorte de diaporama dont la fin s’approche dans l’esprit de Kal. L’art de Janin se mêle à la colorisation de Bellaire le temps d’un flash lointain puis c’est la fin. Manchester Black ouvre les yeux.
Dans ce numéro, Janin fait une constante évolution de son dessin, créant ainsi un Superman resplendissant. Lui seul arbore les couleurs de l’espoir que Bellaire appuie.
Un Superman perdu mais dont les paroles sont contrebalancées par un idéalisme exprimé visuellement. La Forteresse de Solitude est un symbole utopique, une arche de Noé selon Morrison et son équipe.
Du rouge flamboyant des yeux de Superman au bleu cristal de la Forteresse en passant par le Londres pluvieux, tout est question de représentation. Le trait dynamique de Janin et les couleurs de Bellaire créent un sentiment unique que nul autre ne peut apporter.
C’est aussi ça le pouvoir des images.
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