[review] Croquemitaines Livre 1
Point(s) fort(s) :
Les dessins
Croquemitaines est un ouvrage à la fois sensible et violent qui parlera aux amateurs de récits d’horreur et à ceux qui conservent leur âme d’enfant.
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Editeur : Glénat Comics
Ne regarde pas sous ton lit !
Après avoir entendu un bruit étrange, le petit Elliott descend les escaliers et trouve ses parents massacrés à coup de marteau. Le tueur, un type à capuche avec des yeux d’outre-tombe, est encore dans la maison. Derrière lui, une vieille femme semble le manipuler et être à l’origine de ce massacre. Alors que le tueur et sa vieille compagne s’apprêtent à éliminer le petit garçon, un vieillard barbu surgit de nulle part accompagné d’un chien aux yeux rouges. Un combat de croquemitaines est sur le point de débuter.
L’avis de Sonia Smith :
Voici un titre qui m’a d’abord attirée par sa partie graphique, en le feuilletant, j’ai tout de suite accroché au style de Djet qui emprunte à des influences particulièrement variées, qu’il s’agisse des comics, du manga ou de l’animation. Le trait de Djet est à la fois doux et tranchant suivant les situations évoquées dans le récit. Le choix d’une pénombre permanente dans laquelle s’agitent des personnages aux yeux rouges effrayants ajoute à l’angoisse que le lecteur ressent en parcourant l’ouvrage. Etant attirée par les titres d’horreur et amatrice de contes et légendes, la palette graphique de cette oeuvre m’a convaincue de me la procurer.
Mais quel est donc le propos de Croquemitaines ? Le personnage principal est un petit garçon, Elliott, pour lequel on se prend immédiatement d’affection tellement il est mignon : ce petit bout est passionné de lecture et de contes qui font peur et il croit fermement qu’un croquemitaine habite la maison. Elliott est le reflet de notre enfance, de ce moment où on aime se faire peur, on adore frissonner à la lecture de légendes effrayantes et de la période où on n’ose pas regarder sous son lit de peur de se faire happer par une créature infernale. Le scénariste, Mathieu Salvia, restitue très bien ce passage de l’enfance et j’ai, pour ma part, reconnu les sensations que je ressentais à cette période de mon existence.
Mathieu Salvia offre toute une palette de croquemitaines entre Le Père La Mort, le Bonhomme Sept Heures et tous leurs acolytes apparaissent dans ce premier volume qui installe l’histoire tout en présentant une galerie impressionnante de croquemitaines. Salvia connaît bien son sujet, avec toutes ses variantes régionales, et donne furieusement envie de se replonger dans ses livres d’enfant même si ses créatures sont plutôt effrayantes et peu sympathiques. La guerre fait rage dans le monde de l’Au-Delà et Elliott, un petit bonhomme orphelin se retrouve au centre des combats.
Mais quel est véritablement le propos de ce récit au-delà de la mise en avant de ces personnages de contes ? Elliott est le symbole de l’enfance bousculée, celle qui doit faire face au deuil, à la perte de ses parents. Face à l’incompréhension de cette perte, l’enfant s’est-il crée son propre monde ? Celui dans lequel la mort ne peut être que le fait de créatures innommables ? Face à l’horreur de la perte, Elliott a-t-il besoin de s’échapper dans un monde alternatif qui reste encore moins épouvantable que le monde réel dans lequel il est juste un orphelin privé de l’amour de ses parents ? Ce questionnement est revendiqué par les auteurs qui proposent de lire ce titre de plusieurs manières possibles : un récit fantastique dans lequel s’affrontent des créatures mythiques sous le regard d’un enfant ou l’histoire d’un petit garçon tellement marqué par son deuil qu’il ne peut l’aborder qu’en se créant un univers alternatif où il refait l’apprentissage de la vie aux côtés d’un croquemitaine et de son étrange chien.
Ce premier volume amorce un très beau récit, dur sur le fond puisqu’il aborde le deuil et la séparation et montre des combats assez violents entre les croquemitaines. Cet ouvrage est superbement illustré par le trait de Djet qui installe une ambiance sombre mais ultra dynamique qui rappelle avec brio nos terreurs d’enfant. L’écriture de Mathieu Salvia est très documentée et s’appuie sur un univers qui nous est à tous un peu familier, chaque lecteur peut se retrouver dans le petit Elliott et c’est une des grandes forces du récit que de parler ainsi à chacun d’entre nous.
Ce premier volume de Croquemitaines offre au lecteur des émotions et des peurs sorties de son enfance à travers un récit qui débute par un terrible traumatisme. Mathieu Salvia présente un univers peuplé de monstres tirés des légendes régionales dont nous avons tous entendu parler et joue sur nos peurs avec brio. Servi par le grand talent d’illustrateur de Djet qui installe une ambiance noire et inquiétante, Croquemitaines est un ouvrage à la fois sensible et violent qui parlera aux amateurs de récits d’horreur et à ceux qui conservent leur âme d’enfant.
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