Patrick Gleason & Peter Tomasi dans Question De Style Episode 3
Le dynamique duo de Gleason & Tomasi
Batman & Robin, dans sa mouture New 52, fût à mon avis l’une des séries les plus marquantes de cette période éditoriale si controversée. Peut être pas la meilleure ni la plus régulière mais celle qui faisait le plus preuve de sincérité et de franchise dans ce qu’elle décrivait.
À sa tête, on trouve le duo formé par Patrick Gleason et Peter Tomasi. Si le premier est le dessinateur et le second le scénariste, le duo fonctionne tellement bien qu’on sent leur alchimie à chacune des planches et leur binôme est devenue une collaboration où l’un profite du meilleur de l’autre. Il n’y a qu’à voir certains des travaux solos de Peter Tomasi comme Superman : Requiem qui est une catastrophe intégrale ou Robin : Son of Batman de Patrick Gleason qui, si elle est une lecture agréable, manque d’un petit quelque chose.
Pour Rebirth, le duo a remis le couvert en nous proposant une nouvelle série qui offre le même regard tendre sur une famille. La dissection s’opère selon des procédés différents pour montrer une Super-famille aimante et lumineuse. Ça fonctionne tellement bien que ça en fait une des plus belles lectures de Rebirth. On peut même affirmer que c’est la meilleure série si l’on s’en tient aux sorties VF. La série met donc en scène principalement Clark Kent et son fils, Jonathan. Loïs est moins souvent mise en avant mais le peu de fois où elle l’est, elle se retrouve à protéger son fils et son mari de façon badass ou à trouver le moyen de ressourcer sa famille. Le duo évite parfois de justesse la description sexiste du personnage pour lui donner de l’importance en tant que guide et tête de proue de cette famille.
Dans les deux séries, le duo illustre ce qu’est une relation père-fils et plus largement ce que sont les familles par un joli travail sur les relations entre les personnages. Que ce soit entre Bruce Wayne et son fils Damian ou Clark Kent et Jonathan, les regards et les gestes sont souvent plus expressifs que les mots. Le duo a ce talent encore rare de se concentrer sur la gestuelle et les regards de ses personnages pour exprimer la plénitude des sentiments. Il n’y a jamais de grosses effusions, tout est toujours amené par touches subtiles. Le câlin entre Batman et Robin à la fin du premier arc de la série le démontre parfaitement, ainsi que le numéro « muet ». Damian n’est jamais qu’un enfant en manque de reconnaissance, qui ne demande qu’à ce qu’on lui montre la voie pour faire les choses bien. La fin du premier arc de Superman Rebirth diffère pour raconter la même chose : un enfant en admiration devant son père et qui cherche sa reconnaissance. La différence, c’est que Damian est en conflit permanent entre l’éducation violente des premières années de sa vie et l’éducation droite et rigide que son père tente de lui inculquer. Quant à Jonathan, c’est un enfant épanoui qui voue un culte à son père, symbole d’espoir perpétuel et qui profite de l’amour de ses deux parents. Au fond, tous les deux veulent la même chose, rendre fier leurs parents et obtenir leur assentiment pour s’accomplir pleinement. Le vœu de beaucoup d’enfants, en somme.
Si Superman Rebirth est loin d’être fini, Batman & Robin a vu de nombreuses étapes se succéder pour Damian. A travers les aventures narrées par le duo, le personnage se confronte à sa nature mais aussi à sa place au sein d’une grande famille. Damian est un ado souvent pénible et pourtant, il va apprendre à gagner l’amour et le respect de l’ensemble d’une famille qui se démènera pour le ramener d’entre les morts. Sa mort donne certainement lieu à l’une des plus belles descriptions du deuil lue dans un comics dans l’arc intitulé “Requiem”, compilé en France dans le tome 4. Chaque chapitre de ce tome permet de rendre compte de la difficile acceptation de la mort d’un être cher, renvoyant Batman face à son histoire personnelle et à son impuissance. Ce n’est pourtant pas le duo qui a eu cette idée puisqu’elle provient de Grant Morrison, l’écossais fou, dans la série Batman Incorporated. Pourtant, cet événement dramatique va faire progresser la relation du duo iconique de la plus belle des façons et surtout démontrer la puissance de l’amour d’un parent face à la mort. Surtout, la bat-famille sera représenté de la plus belle façon puisque que ce soit Alfred ou encore Dick, Jason, Tim et Barbara, chacun sera affecté par le décès. En effet, Damian a cette faculté à rassembler malgré son caractère insupportable. Chacun d’entre eux aidera Bruce à ramener son fils, démontrant la puissance et le sens d’une famille unie, même dans les épreuves les plus dures. Batman est dans une logique d’héritage et de transmission et c’est finalement la thématique que vont largement dérouler Tomasi et Gleason pendant leur run et qu’ils vont continuer à mettre en place dans Superman Rebirth.
En effet, le premier arc de la nouvelle série de l’Homme d’Acier le confronte lui et sa famille à l’Eradicateur, vilain apparu pendant « La mort de Superman » et qui cherche à guérir Jon de sa partie humaine pour faire de lui un kryptonien pur. Seulement, cela reviendrait à changer sa nature même d’hybride. Comme le pense Clark Kent, Jon a besoin de son côté humain pour apprécier la valeur des vies qu’il sauve. Il est tout autant la preuve d’un prolongement de l’espèce kryptonienne que la nécessité de préserver la bonté humaine. Son père cherche à le préparer à son avenir. Pourtant, sa mère n’est pas écartée de l’équation parce qu’elle souhaite que son fils connaisse une jeunesse aussi ordinaire que possible. Les deux facettes de son ADN se complètent jusque dans son éducation. C’est ce que ne comprend pas l’Eradicateur, Jon est tout à fait capable de porter l’héritage de Krypton en étant un hybride. Autant dire que sous couvert de grosses bastons, le duo de scénaristes assène un message politique sur les familles métissées. Là encore, les procédés narratifs sont finalement classiques quand on connait le duo, mettant en exergue les responsabilités qui pèsent sur les Super à travers une économie de moyens dans les dialogues et dans les effets. Pas besoin de s’apitoyer sur la mort d’un animal par un Jon qui ne contrôle pas ses pouvoirs. Quelques cases suffisent pour comprendre la douleur de cet enfant qui ne se maîtrise pas. Quelques cases suffiront ensuite pour qu’un père lui montre qu’il avait compris. Les dialogues chez le duo sont toujours clairs et directs. Ils ne prennent pas de détour afin d’exprimer des émotions humaines simples. Comme je le disais, c’est là, leur grande force, à une époque où la sur-écriture des dialogues rend pénible les trois-quarts des comics, le duo remet en perspective le médium qu’est la bande dessinée via des découpages simples mais jamais simplistes.
Finalement, c’est ça l’intérêt de la narration chez Peter Tomasi et Patrick Gleason : dresser des portraits de familles aussi crédibles qu’attachantes. Si la Bat-famille n’est jamais qu’un assemblage de personnes orphelines ou éprises de justice qui se vouent un amour infini, la Super-Famille est une famille nucléaire classique, si ce n’est que leur enfant est le fruit d’un amour qui dépasse les frontières galactiques. Mais pourquoi quelque chose d’aussi classique dans le fond fonctionne à ce point ? Je pense que c’est la sincérité et la simplicité qui donne un tel effet. Je l’ai déjà dit plus haut mais il y a une économie de moyens chez le duo. Malgré les grosses bastons et les explosions, c’est le relationnel et les émotions qui en découlent qui intéressent les auteurs. Du coup, si on pourra aisément leur reprocher le manque de personnalité et d’intérêt des ennemis, il y a une vraie compensation parce que chaque arc fera grandir les relations entre les personnages.
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