Les blockbusters, les super-héros et le mimétisme – 2de Partie. L’avis de Comics Grincheux.
n est reparti pour la seconde partie de l’article. On a vu dans la première partie que la recette que Avengers a mise en avant n’était pas le fruit de Marvel Studios mais qu’elle existait déjà avant. Il faut donc retenir que tout le monde copie les uns sur les autres, sans vergogne des structures existantes et qui font leur preuve. Désormais, on va voir comment le modèle de l’univers partagé, popularisé par Marvel Studios est pris à défaut.
Un modèle pris à défaut.
En effet, l’uniformisation auquel on assiste désormais ne provient plus uniquement de la méthode d’écriture. En effet, le succès d’Avengers a donné l’envie aux producteurs de créer des univers partagés. N’importe quel film devient un prétexte, si son univers est potentiellement large à s’étendre dans des films spin-off, se faisant références les uns les autres. Transformers va s’étendre à travers des films dont le premier sera centré sur Bumblebee. Universal a tenté de mettre en place un univers centré sur ses monstres tels que la créature de Frankenstein, Dracula, la Momie. J’ai bien dit « a tenté » puisque vu le bide de « La Momie », le projet semble bien compromis, ce qui n’est pas nécessairement un mal quand on voit la gueule du bouzin… Effectivement, le projet sentait l’échec dès le départ, avec une équipe artistique aux ambitions limitées et surtout une incompréhension du matériau de base. Parce que oui, faire de « La Momie » un film tendance destruction porn urbain, c’est au choix une idée mauvaise ou une incompréhension totale. L’autre problème mais qui est plus large, c’est que les producteurs veulent aller à la vitesse de l’éclair dans la construction de l’univers partagé. BvS en est l’exemple le plus parfait mais de nombreux autres films subissent aussi cet effet. Au final, si Iron Man avait été un échec, cela n’aurait rien gêné puisque la naissance du MCU n’est présente qu’à partir du deuxième volet, la scène post-générique avec ce bon Nick Fury aurait été un easter-egg ou un hommage comme il en existe dans tous les films de super-héros. Qui a parlé de L’incroyable Hulk ? Tu sors !
Las, les producteurs désormais bombardent les références en mode blitzkrieg avec armada de tanks dès le premier opus, donnant l’impression d’être dans un univers déjà constitué plutôt que dans un univers qui se construit sous nos yeux ébahis. Parce que la recette miracle de Kevin Feige est là : disséminer des bouts qui aboutissent à un plus grand tout mais sans sacrifier la tenue du film. Sauf Iron Man 2 qui est une croûte bardée de références sans cohérence globale noyée sous des litres de vodka. Mais Les Gardiens de la Galaxie, Captain America : First Avenger et même Thor ont leur histoire qui se suit indépendamment de l’univers où ils existent. Une fois ces introductions faites, Marvel Studios a enclenché la seconde et n’a fait qu’émanciper la formule depuis. Et bien que je n’aime pas Thor Ragnarok, force est de constater que la phase 3 met en avant des metteurs en scène aux idées plus affirmées que ce que l’on pense, Taika Waititi en tête, Scott Derickson étant aussi un metteur en scène aux idées affirmées.
Le seul autre projet sympa d’univers partagé, c’est la rencontre entre Godzilla et King Kong qui n’est au final que la résurgence d’une vieille idée de Hollywood. Là encore, on repassera du point de vue de la créativité. Pourtant, Godzilla était un film avec un metteur en scène fort et plein d’idées et surtout indépendant, existant par lui-même mais distillant quelques éléments de l’univers partagé qui allait naître définitivement cette année avec Kong : Skull Island. D’ailleurs, ce dernier, s’il n’est pas un chef d’oeuvre a confirmé une tendance résolument pulp dans cet univers partagé qui peut être assez intéressante si elle s’affirme dans les prochains volets. Reste que la perspective d’un Godzilla vs Kong par le réalisateur du catastrophique Death Note de Netflix n’est pas très engageante !
Pour extrapoler le sujet, si aujourd’hui des efforts sont faits, les blockbusters présentent encore et toujours les mêmes personnages masculins, blancs, fiers représentants des WASP. Les grosses productions en plus de s’uniformiser, s’enferment dans une représentation archaïque parce qu’uniformisée de la société. Alors oui, Warner a produit Wonder Woman qui au-delà de mettre en scène les Amazones entoure Diana de personnes issues de minorités ethniques mais au-delà de ça ? Transformers, Pirates des Caraïbes, Mission Impossible (Ving Rhames, on pense à toi), Fast & Furious, etc. Vous avez vu beaucoup de personnes noires, arabes, asiatiques ou bien des femmes en lead ou au moins dans des rôles qui ne sont pas des clichés ? Après le succès de Get Out chez les indé, du côté des blockbusters, Marvel Studios va là encore tenter d’innover. Leur adaptation sur grand écran Black Panther se fait avec un casting majoritairement noir mais aussi et surtout un réalisateur afro-américain ainsi qu’un scénariste là encore afro-américain. Alors, peut-être que le film sera aussi lisse que le reste des productions mais il aura le mérite, comme Wonder Woman, de mettre en avant des personnes bien trop souvent laissée sur le bord de la route. Et moi, si ça peut faire jaser, ça me va !
Un nouvel espoir ?
Pourtant, un espoir peut encore être permis. Depuis le succès de Deadpool, les producteurs se sont rendus compte qu’il était possible de faire une autre gamme de films, plus adultes. Bon, je zappe Deadpool parce qu’un film qui trolle tout le monde en reprenant la même structure narrative et filmé par un manche, ça ne m’intéresse pas ! Je vais prendre le cas de Logan parce que là, c’est à la fois un vrai putain de bon film et une proposition rafraîchissante !
C’est un film produit avec un budget relativement ridicule pour un projet de super-héros mais c’est surtout un projet porté par une vision artistique cohérente. Parce que, attention spoiler ! Oui, on peut faire un très bon film, voire un chef d’œuvre avec un budget de merde ! Dingue, non ? Bon, ce n’est pas le cas ici puisque le budget était confortable. Il reste qu’il semble augurer d’un avenir meilleur. Pour autant, soyons prudents tout de suite, il ne faudrait pas qu’un tel sort soit réservé uniquement aux films classés « R » puisqu’il semble bien que la Fox aille dans ce sens si on regarde The New Mutants qui pourrait bien se retrouver avec une telle classification. Néanmoins, le studio semble aujourd’hui poursuivre dans cette voie entre des gros films comme les X-Men et des films plus mesurés mais aux ambitions artistiques intéressantes. Reste à voir ce que le rachat par Disney fera même si les déclarations de Bob Iger sont rassurantes mais surtout si Deadpool 2 et The New Mutants apportent une plus-value artistique suffisante.
Mais la Fox semble avoir perçu un des nœuds du problème : le manque de films milieu de gamme. Aujourd’hui, l’appareil productif américain est coupé entre les films indépendants et les blockbusters. La voie centrale, celle qui permet avec un budget confortable de faire un film n’existe presque plus (ou est remplie d’échecs) et le film de super-héros en est l’exemple le plus flagrant. Alors, peut-être que l’arrivée d’un Matt Reeves sur le projet Batman est annonciatrice de meilleurs lendemains. Idem pour James Wan sur Aquaman, qui malgré son budget très confortable, pourrait compter sur le savoir-faire d’artisan du réalisateur… si la Warner lui fout la paix, bien évidemment !
Enfin, impossible de terminer cet article sans mentionner celui qui est, à mon avis, le patron des films adaptés de comics : Matthew Vaughn. Que ce soit dans X-Men : Le commencement ou encore dans Kick-Ass, le réalisateur sait prendre le meilleur des œuvres qu’il adapte et sait surtout y apposer sa patte ! Son film X-Men est bourré d’idées et on sent sa signature jusque dans le scénario avec l’amour des personnages délaissées ou incompris. La mise en scène s’adapte aux années 60 et donne certaines des meilleures démonstrations des super-pouvoirs de la saga ainsi que des leçons de montage à de nombreuses occasions. Idem dans Kick-Ass où la liberté de ton permet à Matthew Vaughn, une fois de plus, d’injecter son sens du détail avec des bastons chorégraphiées au poil ! Kingsman étant à mon sens l’aboutissement de ces expériences et expérimentations visuelles. L’entendre parler des films DC et la perspective de le voir potentiellement en réaliser un est une sensation grisante et une réjouissance !
Bref, ce long article est désormais terminé. Le but ici n’était pas de donner des réponses, simplement de remettre quelques éléments en perspective. Non, le film de super-héros ne détruira pas le cinéma, oui, le genre est sur-représenté aujourd’hui et ce, dans des films qui se ressemblent tout plus ou moins puisque réalisés par des yes-men. Mais finalement, ce sont surtout tous les blockbusters qui se ressemblent et encore plus maintenant que chacun veut sa part du gâteau de l’univers partagé. Le problème est plus large et non pas uniquement lié à un genre précis. Il permet à certains d’occulter les soucis que l’industrie cinématographique affronte maintenant, fracassé entre des films aux budgets hors-normes, des films aux budgets restreints et des ambitions qui se plantent dans de nombreux cas et des films à budget restreints voire ridicule parce que produit dans des secteurs indépendants. Le cinéma est aujourd’hui perdu entre cette volonté de maximiser les recettes en produisant en grosse fournée des films identiques, parfois sympathiques, parfois non et la nécessité de revenir à un savoir-faire d’artisans qui semble aujourd’hui quasi-disparu. Donc, non, la Marvellisation des films DC n’a jamais existé et n’existera jamais, c’est un alignement sur la concurrence globale des blockbusters qui s’est produite et a conduit aux résultats qu’on connait. Il vous reste maintenant à faire vos choix et à diversifier les films que vous allez voir au cinéma, en restant toujours curieux.
Comics Grincheux.
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