Les blockbusters, les super-héros et le mimétisme – 1ère Partie. L’avis de Comics Grincheux.
Pour un meilleur confort de lecture, l’article a été découpé en deux parties.
l est important de noter qu’on ne refera pas ici le débat sur la qualité cinématographique des films de super-héros. Comme dans beaucoup de genres et de productions, la qualité est variable, passant de la plus sombre merde au chef d’œuvre. Mais si, depuis dix ans, on assiste à une explosion des films super-héroïques ou, plus largement, adaptés de comics, c’est que Marvel Studios est passé par là et a mis en place un véritable système que chacun cherche à recopier depuis le succès monstrueux de Avengers, en 2011. Alors que la bande-annonce du prochain Avengers est sortie il y a peu de temps et qu’on se remet encore de la sortie en salle de Justice League, son concurrent le plus direct et que j’ai cloué au pilori juste ici (avec Matt, on était deux, quand même !), la question me taraude : est-ce que les films de super-héros sont devenus des blockbusters ordinaires ? Mais surtout, est-ce que comme on l’entend dans certains cercles cinéphiles, les super-héros ont tués le blockbuster ?
Une formule avant-gardiste.
Kevin Feige est un producteur avec une sacrée dose de courage. Misez sur certains des super-héros les moins connus/populaires du grand public comme Iron Man, Thor ou Captain America pour lancer un univers cinématographique ultra-connecté est un risque assez énorme. D’autant plus qu’il ambitionne finalement de mélanger l’art de l’écriture des séries TV procédurales avec l’écriture des comics. A savoir, un arc global qui se diffuse petit à petit dans un ensemble de films connectés ensemble par un flot plus ou moins importants de références ou d’intrigues. Le tout est découpé en phases mais d’après moi, Avengers : Infinity War et sa suite seront surtout le dernier volet d’une seule et même phase qui aura connu plusieurs étapes, comme une saison de série TV étalée sur près de dix années.
C’est un projet d’envergure qui va dès le départ montrer de gros problèmes. En effet, prenez un film comme Thor ou Iron Man 2 et vous aurez les premiers signes d’une uniformisation du spectacle. Mais au final, c’est surtout Avengers qui va confirmer cette tendance, prenant appui sur une structure dirigiste et ultra-codifié, à savoir, en trois actes comme la majorité des blockbusters, il va devenir le modèle sur lequel vont s’appuyer tous les autres films et pas que chez Marvel Studios.
Parce que fatalement, ce n’est pas cette structure qui pose problème. C’est surtout le manque de contrôle artistique que les réalisateurs ont sur celle-ci. Ces derniers sont généralement des yes-men qui, à quelques exceptions près comme James Gunn ou Shane Black, vont suivre un cahier des charges simple résultant en un film sans personnalité. Chaque film Marvel Studios s’uniformise et, dans la foulée, ce sont tous les studios, détenteurs de licences comics ou non, qui vont s’engouffrer dans la brèche, désireux de connaître le même succès que le film de Joss Whedon, sans toutefois en comprendre les logiques inhérentes.
De vulgaires copies
Sauf que, le problème aujourd’hui, ce n’est pas la recette Marvel Studios. Au contraire, elle apparaît même comme l’une des plus créatives que Hollywood ait vu émergé depuis quelques années, au moins sur le plan conceptuel, comme démontré juste avant.
Non, le véritable souci, c’est l’uniformisation totale et absolue des blockbusters. Je serai bien incapable de dater à quand remonte ce problème d’uniformisation intégrale des films à gros budgets mais j’ai l’impression que ce sont surtout les échecs répétés de films à fort enjeux financiers qui ont conduit les studios à fondre dans un moule unique des films qui allaient se répéter inlassablement dans leur structure. Dans ce monde très imposant, qui, à part Christopher Nolan a un contrôle créatif total et peut proposer des films à gros budget uniques ?
Vous séchez ? Moi aussi ! A la rigueur pourra-t-on aussi noter Matt Reeves qui, avec La Planète des Singes : Suprématie a signé un blockbuster avec une patte d’auteur. Alors que dans les années 80, on avait des films à grand spectacle et de divertissement pur qui avait une identité propre, ce phénomène s’est tari jusqu’à ne presque plus exister. Steven Spielberg, Robert Zemeckis, ces deux noms suffisent à mettre des étoiles dans les yeux à n’importe quel cinéphile. Suffisaient, devrait-on dire car leur style est aujourd’hui dépassé et ne peut plus fonctionner dans un monde où la moindre prise de risque est sanctionnée cash. Même si Spielberg apparait comme une anomalie, vivotant entre films à moindres et à gros budgets. L’année 2018 en sera une belle démonstration avec Pentagon Papers, en janvier et Ready Player One, en mars. Mais Robert Zemeckis est bien loin derrière, enchaînant des projets de moindre envergure depuis l’échec de Beowulf.
Pour autant, il serait facile de jeter la faute uniquement sur les studios, peut-être ne sont-ils pas les seuls à blâmer mais peut-être aussi le public ? En effet, face à l’augmentation des prix du cinéma, les gens comptent leur argent et préféreront aller voir une valeur sûre au cinéma ou un film qui ne semble pas prendre trop de risque et plaira à tout le monde. La problématique ici, c’est que le consensus dans le cinéma devient l’essence même d’un produit aseptisé, ce que l’art ne devrait jamais être. L’art est fait pour susciter des émotions, des réactions provoquées par la vision d’un auteur sur un sujet précis. Que ce soit un film de super-héros, une adaptation de comics ou un film à gros budget classique, c’est dans le travail artistique que se révèle la valeur d’un film. Et bien entendu, si cette valeur artistique s’apprécie subjectivement, elle reste néanmoins érigée sur un socle qui est la proposition du metteur en scène.
S’il est toujours très facile de taper sur Warner pour sa gestion catastrophique des licences super-héroïques, le studio reste un de ceux qui propose des blockbusters sortant de l’ordinaire : Blade Runner 2049 et les films de Nolan en sont une belle preuve. Reste qu’il s’est enfermé dans un phénomène de satisfaction massive du plus grand nombre. Paramount semble aujourd’hui vouloir se recentrer sur des blockbusters avec des artistes comme semble en attester le recrutement de David Fincher sur la suite de World War Z ou comme semblait le prouver le dernier Mission Impossible. Bon, le studio n’est pas fou et prévoit son univers partagé Transformers mais ne vendons pas la peau de l’ours tout de suite, des artistes inspirés pourraient s’en sortir. Reste à voir si le public répondra présent ou s’il se désintéressera de ce genre d’initiative. Mais, il serait facile de jeter la pierre en totalité aux consommateurs. Les exploitants de salle ayant peut-être aussi leur part de responsabilité, tout du moins les grands groupes. Finalement, chacun des acteurs du secteur portent en lui une part de reproches qu’on peut leur imputer.
Le fait est qu’aujourd’hui, la recette cinématographique est uniformisée et s’il semble facile de dire que c’est la faute à Marvel Studios, désolé de vous l’apprendre les gars mais ce n’est pas le cas ! Parce qu’en fait, si vous regardez Pirates des Caraïbes, Transformers et n’importe quel autre blockbuster random uniquement produit pour engendrer de la thune, vous remarquerez que le problème est identique et que c’est plutôt Joss Whedon et Avengers qui ont tout piqué aux autres. Comparez la structure narrative des deux films sus-cités avec ce dernier et vous verrez que c’est la même chose. L’humour que vous pouvez trouver lourd dans les films Marvel ? C’est la même chose chez Transformers, la saga Pirates, etc. En fait, c’est un problème de fond qui touche Hollywood depuis 2005 et qui coïncide avec la sortie d’un livre* expliquant en plusieurs points comment établir un scénario et dans quel ordre assembler les idées. Les producteurs se sont emparés de la recette miracle et on se retrouve alors avec un schéma ultra-clos et ultra-fermé. Rares seront aujourd’hui les metteurs en scène à pouvoir/vouloir aller à son encontre.
Voilà, cette première partie est déjà finie (et oui, hélas) ! On se retrouve rapidement pour la deuxième partie, le temps que vous ayez digéré !
Comics Grincheux.
* Blake Snyder, Les règles élémentaires pour l’écriture d’un scénario, édité en 2006, indisponible en français.
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