Mark Millar dans Question De Style Episode 6 par Comics Grincheux
Mark Millar, la recherche de l’efficacité brute.
ark Millar, vous le connaissez forcément ! La majorité de ses œuvres ont été adaptées au cinéma. Kick-Ass, c’est lui, Kingsman, c’est aussi lui, Wanted, c’est encore lui, Civil War, l’arc qui sert d’inspiration au troisième film Captain America, c’est toujours lui ! Bref, son nom ne vous dit peut-être rien mais vous connaissez ses histoires ! Son dernier coup en date, c’est la signature d’un contrat entre son entreprise Millarworld, qui gère l’ensemble de ses licences, et Netflix qui les exploitera.
Si ses histoires sont aussi souvent adaptées, c’est pour une raison simple : il est un créateur de concepts à l’efficacité redoutable. L’ensemble de ses comics sont des histoires simples racontant comment des êtres vont trouver leur place dans le monde et prendre en main leur destin. A ce titre, Mark Millar est un vrai créateur d’univers. Que ce soit Empress et son space-opera coloré, Reborn et le concept de l’après-vie dans un environnement d’héroic-fantasy. Sans oublier Kick-Ass et les tarés qui vont devenir des super-héros et s’en prendre plein la tronche en luttant contre des mafieux caricaturaux ou encore Huck qui prend le concept du Superman boy-scout à la lettre. L’auteur écossais est quelqu’un qui fourmille toujours d’idées de départ exaltantes et enthousiasmantes qu’il enrobe toujours dans des pitch simples… simplissimes pourront dire ses détracteurs.
Au fond, ce que recherche l’auteur, c’est l’efficacité dans ses récits et cela passe par un divertissement léger, sans prise de tête et qui cherche uniquement à détendre son lecteur. Là où ça pèche parfois, c’est que certains récits sont tellement enthousiasmants qu’ils pourraient être plus développés, notamment parce qu’ils laissent penser à une réflexion. Mais ce sera rarement le cas. Cette simplicité se remarque aussi dans la structure des histoires que l’auteur propose puisqu’elles sont souvent identiques : découpé en six ou sept chapitres de vingt pages, l’auteur sort ainsi rarement de sa zone de confort. De même, le découpage de l’histoire complète est souvent équivalent : présentation du contexte et du ou des personnages dans le premier chapitre. A la fin du premier chapitre, le cliffhanger se charge d’être le déclencheur de l’intrigue qui deviendra le sujet du deuxième chapitre. S’ensuivront des confrontations contre des ennemis envoyés par le grand méchant et des situations compliquées à résoudre. A ce titre, il y a souvent un chapitre où le/la héros/héroïne se retrouve totalement isolé(e). Le récit s’achevant généralement avec une deus ex machina classique et un happy end.
Tout cela participe finalement à l’efficacité du style Millar et si on pourra le trouver souvent vain, il n’empêche que son impact immédiat est indéniable. Néanmoins, on pourra déplorer le confort dans lequel l’auteur semble se complaire, ce que la nouvelle mouture de Kick-Ass (dont le premier numéro VO est commenté ici, sans spoiler) ne semble que confirmer. Le Millarworld, plus qu’un univers partagé est un univers équivalent où chaque rôle est déjà défini et où les personnages sont toujours les mêmes. Jupiter’s Legacy se plaçant comme un récit étrange puisqu’en décalage avec nombre des derniers récits de l’auteur. Sensible, humain, l’auteur se remet à éprouver des sentiments et parvient à les transmettre à son lecteur. S’il ne fallait en retenir qu’une, ce serait elle !
L’autre point important chez Mark Millar et qui participe encore une fois à l’efficacité, c’est que les personnages font des voyages initiatiques pour assumer qui ils sont et prendre en main leur destin. L’ensemble des récits de Mark Millar, en tant qu’indépendant, sous son label Millarworld, ont cet aspect en commun. Qu’ils soient des apprentis justiciers, des grands naïfs, des reines en recherche d’émancipation, ou des fils de grands super-héros, chacun des héros du panthéon millarien devra trouver et accepter son statut dans le monde. Cela passera souvent par un chemin violent, semé de morts mais reprenant les codes du voyage du héros. Mais même en travaillant pour Marvel, il parvient à le faire. Son travail sur Ultimates met en place une équipe de personnages qui sont chacun à la recherche d’un but dans leur vie. Captain America est resté bloqué dans les années 40 et tente de retrouver un sens à son existence dans une société qu’il ne comprend pas. Son Thor est un anarchiste qui va devoir assumer son côté guerrier et son rôle de Dieu nordique. Même Civil War est une démonstration des super-héros qui vont devoir assumer leur rôle, que ce soit Steve Rogers qui éprouvera jusqu’au bout ce que sa droiture morale lui impose ou Tony Stark qui devra assumer son pragmatisme. Ce sont donc à chaque fois des récits initiatiques, des voyages que les héros devront emprunter pour enfin pouvoir se réaliser, s’accomplir et enfin s’assumer.
Mais Mark Millar est aussi un auteur connu pour la violence de ces comics. La violence est souvent un moteur dans nombre de ses récits et elle est souvent très graphique, laissant le dessinateur se lâcher. Les personnages de Kick-Ass baignent dans une violence permanente et c’est d’ailleurs là que se situe pour moi une rupture chez l’auteur. Comme s’il prenait conscience de l’impact possible de cette dernière qu’il a parfois utilisé sans réfléchir (Kick-Ass 2 et ta séquence en banlieue, tu peux te sentir concerné), l’auteur devient plus tendre et met en scène des récits où l’utilisation de cette violence est moins abusive, moins gratuite. Huck en étant certainement le contre-pied le plus total puisque c’est un récit sans effusions de sang ou presque. Empress et Jupiter’s Legacy confirmant quelque peu cette approche avec des personnages plus posés et cherchant bien moins la confrontation que la paix.
Accueil › Forums › Mark Millar dans Question De Style, version Director’s cut