Brian K. Vaughan dans Question De Style Episode 7 par Comics Grincheux
Brian K. Vaughan, un auteur complet.
Brian K. Vaughan est un auteur protéiforme, il a aussi bien écrit pour la télévision que pour les comics. Sur le petit écran, il a opéré sur la première saison de Under the Dome en tant que showrunner. Il a ainsi pu confronter son talent à l’ego de Stephen King pour un résultat qu’on qualifiera d’en demi-teinte pour rester poli et respectueux. Mais il a aussi écrit de nombreux épisodes sur Lost, avant ça et c’était largement plus intéressant, notamment si on s’amuse à dresser des ponts avec ses thématiques fétiches.
Un travail proche de la série télévisée.
Son travail à la télévision se ressent sur ses travaux dans le médium du comics puisqu’il en garde la substance à travers une profusion de dialogues qui deviennent le moteur de ses intrigues. Egalement, sa gestion des intrigues avec des arcs très clairement découpées en étapes de vie pour les héros comme autant de saison d’une série TV avec de nombreux cliffhangers ainsi que des twists pour dynamiser les intrigues.
C’est quelque chose qui frappe si on s’intéresse notamment à Ex Machina, sa série éditée par Vertigo qui commence à affirmer Brian K. Vaughan comme un auteur qui aime insérer des discours et des thématiques sociales dans ses dialogues. C’est à travers ceux-là que les nœuds créés dans l’intrigue se résolvent et c’est ainsi que l’auteur construit ses histoires. Les problèmes se posent et se résolvent à travers les dialogues. C’est ce qui permet ainsi de se relier à l’un de ses thèmes principaux : le pacifisme.
L’ensemble de ses séries est bercé par l’optimisme constant de ses personnages et une recherche permanente de paix. Alors, bien sûr, vous penserez immédiatement à Saga mais on y revient plus tard. La série qui, pour moi, incarne le mieux les thématiques favorites de l’auteur, c’est Runaways (ou Les Fugitifs) créée pour Marvel. C’est aussi celle où il commence à aiguiser son style à travers des dialogues affûtés et ciselés où chaque personnage se retrouve avec une voix qui lui est propre. Chacun d’entre eux a sa manière de parler mais surtout chacun d’entre eux incarne la diversité que Brian K. Vaughan aime célébrer.
Runaways marque un véritable tournant puisque dès ce moment, l’auteur va écrire des groupes d’individus qui vont devoir remettre en question tout ce qu’ils ont connu durant leur vie. Dans Runaways, les héros découvrent qu’ils sont les enfants de vilains et s’engagent dans une fuite gigantesque pour désapprendre ce qu’ils ont appris. Une autre série marque le pas dans sa carrière, c’est Les Seigneurs de Bagdad où l’auteur nous présente une famille de lions qui va découvrir la liberté et devra apprendre à se débrouiller sans la supervision des humains du zoo où ils étaient enfermés. Surtout, Saga présente un couple qui a choisi de fuir sa vie d’avant marquée par la guerre constante entre leurs espèces respectives. Enfin, sa dernière série, Paper Girls montre un groupe de jeunes filles qui va se retrouver embarquer dans un voyage à travers le temps en affrontant des individus dont ils ne comprennent ni les intentions, ni la langue. Bref, il y a un ensemble de constantes (Lost, big up !) dans son travail parce que c’est justement le nouvel apprentissage des personnages qui va guider la narration de l’auteur et qui va lui permettre de multiplier les arcs narratifs afin que les personnages se redécouvrent.
Justement, Brian K. Vaughan est un auteur qui ne sait pas faire dans le juste milieu. Soit, ses séries sont très longues, soit très courtes. Et pourtant, il y a une maîtrise, peu importe la longueur des histoires. Le cœur est toujours les personnages et leur traitement est toujours exemplaire quand bien même, on peut remettre en cause le développement de l’histoire. Dans Saga, si la série connaît un coup de mou à partir du tome 5 pourtant, des nouveaux personnages interviennent qui permettent à l’auteur de toujours plus développer ses thèmes favoris, notamment, sur la diversité mais aussi sur les thématiques de l’héritage, du partage et du pacifisme. L’auteur parvient toujours à densifier ses propos et à les réinventer en même temps qu’ils proposent des idées toujours plus folles, preuve d’une constante imagination. Paper Girls en étant une preuve assez dingue, justement.
Des personnages porteurs de valeurs.
Brian K. Vaughan est malgré ses constantes un auteur capable de toujours se réinventer à travers des portraits de personnages travaillés et qui incarnent des façons toujours différentes de vivre la vie. Il fait surtout de l’anti-manichéisme à tout va, chaque individu n’est pas méchant simplement par plaisir, les raisons sont compréhensibles et parfois, elles sont stupides mais c’est ce qui participe à l’humanité des personnages. Chaque geste, même le pire est motivé par une raison intrinsèque. Et ce sont d’ailleurs les motivations qui poussent le thème de la responsabilité que la génération suivante doit assumer. Runaways et Saga se rejoignent de façon équivalente sur cette thématique où la jeune génération doit comprendre et réparer les erreurs de la précédente. C’est une réflexion puissante, surtout dans le monde du comics où la notion d’héritage est cardinale ! Ici, ce thème clé se transforme et se dote d’une relecture pertinente à une époque où se pose la question du sort des générations futures.
Brian K. Vaughan se sert donc de ses personnages pour en faire des individus capables d’évoluer et porteur d’idées mais aussi de valeurs au travers de leur comportement. Ex Machina traduit cela également puisque son héros, un ancien super-héros est devenu maire de New-York juste après les attentats du 11 septembre. Ici, l’auteur se sert de son personnage principal ainsi que de son staff pour dresser un état de l’Amérique et porteuse des idées progressistes de son auteur. Alors, il y a énormément de maladresses dans les propos, notamment, lorsque Brian K. Vaughan parle du mariage homosexuel et hésite beaucoup. Mais il ne fait certainement que traduire un état de fait et cherche à interroger le plus possible à travers des dialogues soutenus, digne d’un Aaron Sorkin. De fil en aiguille, l’auteur construit son histoire, faisant avancer son histoire à travers les relations entre les personnages. C’est là, la technique narrative pour que l’auteur puisse construire son histoire et intéresser son lectorat. Il manie cela avec une grande habilité et parvient à créer des cliffhangers et des twists sans jamais que cela ne soit forcé. L’auteur se concentrant avant tout sur ses personnages, chaque techniques narratives parait organique, ne servant qu’à renforcer notre lien avec les héros ou les héroïnes des récits.
Et ce n’est pas The Escapists qui me fera dire le contraire, véritable ode à la créativité débridée, il représente le style Vaughan dans toute sa simplicité et sa pertinence, mêlant son amour pour les super-héros tout comme pour les individus ordinaires qui veulent simplement trouver un sens à leur vie. Il indique l’amour et la passion débridée que Brian K. Vaughan porte à la création artistique dont il a fait son métier à travers ce médium qu’est le comics. Il y prouve son amour pour les histoires et pour les histoires que permettent de construire et d’élaborer cette forme de récit. La seule limite est votre imagination ! C’est un discours que j’aime profondément et dans lequel je me retrouve totalement parce que le comics est un puissant outil à la disposition des créateurs parce qu’il permet tout sans aucune barrière. Le graphisme permet d’exprimer des idées folles servant toutes les idées du scénariste. Contrairement au cinéma, il permet une expression déformée de la réalité par un trait ultra-stylisé ou au contraire une rigueur absolue avec un trait réaliste. Les histoires peuvent traiter de toute une gamme de sujet, que ce soit avec des super-héros ou avec des histoires plus ordinaires. Brian K. Vaughan est, comme Grant Morrison, un de ses scénaristes capable de passer de l’individu extraordinaire à celui ordinaire, sans changer de ton, sans créer de dissonances et en conservant toujours les mêmes thèmes et outils narratifs.
Brian K. Vaughan est un auteur complet. Ayant compris et saisi la pleine-mesure du médium qu’il utile, il sait se concentrer à chaque fois sur ses personnages. Mais il est capable de se renouveler dans des histoires et des univers toujours bluffants, cristallisant à chaque fois ses thématiques fortes comme le pacifisme, la tolérance, la liberté et la responsabilité. Il se distingue par une narration portée par les dialogues ciselés et affutés, permettant aux aventures de se poursuivre autant qu’aux relations se construire et se déconstruire. Un auteur brillant, tout simplement !
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