Les comics, c’était vraiment mieux avant ? – Idée reçue n°1
n a tous déjà entendu cette phrase « De toute façon c’était mieux avant ! » pour le cinéma, les jeux vidéo, mais également pour les comics. Comme tous les autres arts, ces BD américaines que nous affectionnons particulièrement ont évoluées avec le temps et se sont adaptées aux différentes époques. The Walking Dead s’est imposé comme un comics incontournable pour beaucoup pas seulement par sa qualité, mais par sa faculté de traiter d’un sujet ancré dans la pop-culture aujourd’hui.
Les comics, c’était mieux avant !
Les super-héros sont un exemple parfait. Fer de lance de l’industrie des comics, ils représentent la plus grande partie des ventes grâce aux Big Two que sont DC et Marvel mais également par des éditeurs moins importants comme Valiant. Pour autant, pour rester attractif constamment, le niveau graphique est devenu un paramètre très important. Aujourd’hui, les dessins prennent une place majeure et on retrouve des dessins de plus en plus réalistes, de plus en plus détaillés… On peut évidemment citer le travail de Mikel Janin et Joelle Jones sur Batman par exemple. Ce niveau de dessin contraste beaucoup avec le niveau des scenarii. Celui-ci est sans doute le plus impacté par les demandes actuelles. Nouveau film tous les 4 mois, il faut constamment avoir une porte d’entrée pour les nouveaux lecteurs et on obtient des reboots et des relaunchs de plus en plus fréquemment. Ainsi, les récits sont de moins complexes et deviennent de plus en plus des erzats de Blockbusters. Prendrait-on le risque de lancer un Grant Morrison sur la série principale Batman aujourd’hui ? Je n’en suis pas sûr. Quand bien même la qualité de son run sur le chevalier noir est reconnue unanimement, il est très difficile d’accès pour quiconque souhaite se lancer dans les comics et ce nouveau lectorat provenant des salles obscures prend une place de plus en plus importante dans les choix éditoriaux.
C’est justement ce dernier point qui fait réfléchir. Pourquoi juge-t-on que les comics sont plus fades que par le passé ? Le reproche le plus fréquent est l’absence de fond et réflexion dans l’écriture des comics aujourd’hui. Si l’on reprend l’exemple du run de Grant Morrison sur Batman, ce dernier est bourré de références et de clin d’œil à l’histoire des comics. Ce sont ces dernières qui rebutent plusieurs personnes aujourd’hui. On peut donc juger que l’industrie du comics s’adapte à un lectorat qui ne fait plus l’effort de faire ses propres recherches et ses propres découvertes. Est-ce le lectorat qui s’adapte aux maisons d’édition des comics ou l’inverse ? Personnellement je penche plutôt vers la seconde option.
Alors oui, malgré quelques exceptions, les comics de super-héros ont tendance à se lisser ces dernières années. Sans parler des lecteurs, la société à un impact de plus en plus important sur les œuvres et ces dernières doivent également s’adapter. La représentation de la femme, le racisme, l’homosexualité, autant de paramètres qui aujourd’hui entrent dans l’équation de la création. Les premiers impactés sont ces auteurs qui vont être bridés par les maisons d’édition. Mais de la même manière que précédemment, doit-on blâmer un éditeur ou une société qui s’indigne au moindre pet de travers ? Par son devoir de satisfaire une société impitoyable, les éditeurs doivent aujourd’hui montrer une image lisse au risque de faire naître des polémiques importantes. Reconnu universellement comme un auteur érotique, Manara s’est vu censuré une cover pour Marvel en raison de l’image de la femme qu’il véhicule. Pourtant, sans être dans la provocation, Manara a juste proposé du Manara. Doit-on être choqué ?
On peut également citer la cover de Batgirl proposée par Rafael Albuquerque qui finira censurée car accusée de mettre en avant la violence contre les femmes. Mais personnellement, je n’y vois qu’un hommage à l’œuvre de Alan Moore : Killing Joke. Ainsi, de la même manière que pour le lectorat, il est important pour l’éditeur de s’adapter à la société et à son évolution.
Pourquoi je n’aime pas entendre cette fameuse phrase « Les comics c’était mieux avant ! » ?
Tout simplement parce qu’il n’y a pas que les super-héros dans la vie et l’émergence des éditeurs indépendants, permet à chacun de trouver son bonheur. Plus besoin de se tourner seulement vers Vertigo et Wildstorm pour avoir des œuvres grossières, engagées, sexuellement explicites… On peut retrouver ces caractères dans bon nombre d’œuvres aujourd’hui. Par-delà le propos, on retrouve également des titres avec un univers graphique prononcé. On peut citer Rob Guillory sur Tony Chu et Jeff Lemire avec son style si particulier. Deux artistes qui ne trouveront pas leurs places dans l’industrie des super-héros. Certains artistes vont également proposer un style différent voir même un style expérimental dans ces comics indépendants que l’on ne va pas retrouver dans leurs travaux pour les Big Two. Jock est un roi en la matière avec des traits beaucoup plus épais et moins détaillés que d’habitude dans son Snapshot et dans Immortals, mais également un style très visuel dans Wytches. On peut même confronter le travail dans cette dernière œuvre avec les dessins qu’il propose dans le run de Scott Snyder pour Batman New 52 sorti à la même période. On réalise très vite que, malgré toutes ses qualités, il va proposer des dessins plus classiques dans leurs constructions pour le chevalier noir. Pourtant, même si l’équipe créative est la même (Scott Snyder étant également au scénario de Wytches), l’éditeur et l’enjeu sont différents.
Enfin, s’il est important de mettre en avant les éditeurs indépendants, c’est parce qu’ils laissent les pouvoirs aux auteurs. Si aujourd’hui l’indépendant peut se démarquer, c’est par cette liberté qui est laissée aux auteurs et il n’est pas rare de retrouver bon nombre d’auteurs de super-héros chez les éditeurs indépendants. On peut citer le très prolifique Jeff Lemire qui avait les rennes chez Marvel (Old Man Logan) et maintenant chez DC (The Terrifics) mais qui produit bon nombre de séries indépendantes (Royal City, Gideon Falls, l’univers de Black Hammer), tout comme des auteurs comme Rick Remender et Jonathan Hickman qui avaient également la main sur des gros events Marvel récemment (AXIS pour l’un et Secret Wars pour l’autre) mais qui produisent des séries indés depuis bon nombre d’années. Il est même intéressant d’ajouter que ces derniers trouvent leur bonheur dans l’indépendant. Suite à des désaccords avec Marvel, principalement par le manque de pouvoir sur leurs œuvres, chacun s’est redirigé pleinement vers ses titres indés. Cette liberté laissée aux auteurs permet la production d’œuvres que l’on était bien loin d’imaginer par le passé et nous laisse aujourd’hui un choix colossal sur nos lectures et donc un choix sur la qualité de celles-ci.
Sous l’abondance de séries et d’éditeurs, il faut savoir choisir ses titres. On a à présent la possibilité de trouver notre bonheur chez l’un des éditeurs et de découvrir plus facilement des nouvelles œuvres. Si on veut trouver quelque chose de mieux qu’avant c’est possible.
Pourquoi je n’aime pas entendre cette phrase ? Qu’est-ce qui fait que c’était mieux avant ? Ou qu’est- ce qui fait qu’aujourd’hui est moins bien ?
S’il y a bien une chose que je déteste, c’est cette manie de vouloir comparer les périodes pour juger un comics. Ne devrait-on pas juger un comics avec notre ressenti vis-à-vis de celui-ci ? N’est-ce pas les sentiments, les émotions procurées lors de la lecture qui nous permettent de juger un comics ? Personnellement c’est le cas. The Authority a été une claque pour moi lors de la lecture, mais « Joe – L’aventure intérieure » également, et un nouveau titre me procurera une impression encore différente à l’avenir.
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