Brian Haberlin en Interview !
Brian Haberlin est un artiste multifacettes : ayant commencé comme dessinateur, il devient vite coloriste et est l’un des premiers à développer les techniques de colorisation digitale que nous connaissons maintenant . Il a commencé chez Top Cow et a participé à la création de Witchblade. Il a été remarqué pour son travail sur Spawn avec David Hine au scénario. Avec ce scénariste, il entre désormais dans une nouvelle phase de sa carrière en devenant scénariste et en s’occupant toujours des dessins.
Mais Brian Haberlin a aussi été responsable éditorial, il a fondé son studio, son label et est toujours en quête d’innovations technologiques. Bref, un artiste passionnant que Grincheux a pu rencontrer lors du Festival de la BD de Chambéry !
Si vous souhaitez lire un extrait de la prochaine sortie de Brian Haberlin, Sonata, suivez le lien !
Bonjour Brian, merci d’avoir accepté cette interview. Vous êtes, entre autres choses, connu pour avoir participé à la création de Witchblade qui est notamment reconnu pour Sara, son personnage principal, non seulement une femme mais surtout quelqu’un qui ne se laisse pas marcher sur les pieds. De nos jours, c’est répandu. Est-ce que vous voyez cela comme quelque chose d’important ?
Oui, évidemment. Si vous regardez mes autres travaux, Sonata ou Marked, les personnages féminins sont tous les personnages principaux. La seule fois où ça n’a pas été le cas, c’était sur Faster Than Light mais bon, c’était en lien avec l’histoire et un personnage féminin était en avant dans le casting.
Je pense que c’est important d’avoir des personnages féminins mais vous ne pouvez pas forcer la chose, beaucoup d’auteurs mettent des personnages féminins en avant mais ils ne parviennent pas à comprendre ce qu’est une femme et comment elle réagit, etc. Souvent, on dirait que c’est un homme qui parle sous un masque de femme.
Brian Holguin avec qui j’ai fait Aria et qui a été mon deuxième plus gros succès est brillant dans cet exercice.
Sur notre prochain livre avec David Hine, nous avions commencé avec un personnage masculin mais on est s’est vite rendu compte que ce serait plus intéressant si on reprenait un personnage féminin pour traiter des problèmes de harcèlement. Du coup, on a recommencé mais parce que l’histoire sera plus intéressante de cette façon.
Votre arrivée sur Spawn a été très remarquée à cause des tons froids que vous adoptiez, notamment. Etiez-vous effrayé par les réactions à l’époque ?
Non, Todd (McFarlane, NdR) avec qui je travaille depuis des années, aime beaucoup les comics réalistes alors que ce n’est pas son style.
Quand je suis arrivé au poste d’éditeur sur Spawn, je lui ai demandé qui il voudrait voir en tant qu’artiste sur le titre et il m’a répondu Bill Sienkewicz ou Alex Maleev qui sont connu pour leur style très réaliste. En plus de ça, David Hine voulait vraiment changer d’ambiance et partir sur quelque chose inspiré par le cinéma d’horreur japonais.
Pourtant, il y avait toujours cette fanbase de Spawn qui voulait encore le voir comme un super-héros avec des gros muscles mais on s’est battus contre ça pour apporter quelque chose de novateur et on a bénéficié du soutien de Todd McFarlane donc, c’était vraiment bien.
Vous étiez un des premiers à faire de la colorisation en numérique. Aujourd’hui, c’est une pratique commune et très répandue. Qu’est-ce que cela fait d’être un pionnier ?
En fait, c’était surtout une nécessitée à l’époque. Il a fallu apprendre sur le tas parce que personne ne savait le faire. J’ai toujours pensé que les ordinateurs seraient un outil très performant et utile pour nous et, je vous parle de ça, c’était à l’époque des Commodore et Amiga, donc, il y a déjà longtemps.
C’était vraiment un outil que je voulais utiliser mais à l’époque, nous n’avions pas YouTube pour comprendre comment l’utiliser, la seule chose que nous avions à disposition, c’étaient les manuels d’utilisation et ce n’était pas très pratique. Du coup, en petits groupes, nous nous échangions des informations et nous nous entraidions, on se débrouillait.
Mon premier travail professionnel de colorisation était pour Top Cow et il n’y avait pas encore d’ordinateur ou de logiciels pour ce travail. Je faisais de la colorisation numérique uniquement pour que ça soit imprimé sur un imprimante à encre standard. Néanmoins, on devait imprimer sur presse, c’était la procédure standard et c’est totalement différent de l’impression à l’encre. Vous n’avez pas de valeurs de référence et surtout, vous pouviez boucher une presse si vous poussiez trop la couleur sur votre logiciel donc, il fallait être très vigilant et donc, on apprenait au fur et à mesure.
Mais j’avais aussi de l’aide de la part de John Nee qui travaillait chez WildStorm à l’époque. Il travaillait aussi chez PrePress à l’époque et avec sa sœur, Claudine, il m’a beaucoup aidé.
Vous pouviez aussi mettre vos travaux sur films et les intégrer ensuite pour les imprimer sur presse. Il y avait également des guides de couleurs, notamment ceux de Joe Chiodo qui m’a aussi beaucoup appris.
Mais je suis dit que j’allais trouver une autre méthode pour que l’on puisse se passer de cela et passer directement sur la colorisation numérique.
Et vous avez aussi fondé un studio de colorisation.
Oui, j’étais très demandé à ce moment-là mais j’avais envie de faire autre chose, je me prenais la tête avec le responsable du département business. J’avais beaucoup d’offres d’emploi qui arrivaient. Je venais d’avoir mon premier enfant et je préférais rester à la maison pour faire mon travail. Du coup, j’ai fondé ce studio et on a fait des colorisations pour l’ère Marvel Knights, pour Todd McFarlane et même Rob Liefeld.
Aujourd’hui, vous êtes toujours assez en avance, votre travail est plein de vie contrairement à beaucoup de travaux numériques.
Vous savez, je pense que c’est parce que j’ai toujours voulu travailler avec cet outil, donc, je me suis appliqué mais la technologie n’était pas encore tout à fait au point.
Le travail que je fais maintenant est, je trouve, bien meilleur qu’il y a des années quand je travaillais sur Spawn. Je tente toujours de me concentrer sur ce qui est le plus naturel possible que ce soit pour la représentation du physique ou des émotions.
Mais j’ai eu beaucoup de chance dans ma carrière, j’ai travaillé avec plein de gens talentueux et on s’entendait très bien, on s’enseignait des choses, c’était vraiment collaboratif.
Je trouve que vous arrivez à évoluer, dans des nouveaux styles, genres et que votre évolution ne s’arrête pas.
Seulement quand je mourrais ! (Rires).
Non plus sérieusement, je pense qu’être un artiste, c’est essayer des choses et ne pas s’arrêter à un momentum.
Maintenant, je travaille avec mon propre coloriste depuis 2012 et il est fabuleux, ça me permet de mieux me concentrer sur mon trait. Notre projet de livre pour enfants met vraiment tout son talent en avant.
Vos innovations ne se sont pas limitées qu’aux techniques artistiques. Sur Medieval Spawn/Witchblade, j’ai remarqué qu’il y avait une application dédiée avec une plongée dans les coulisses. Vous pensez que c’est quelque chose d’important à amener au lectorat ?
Oui, parce que je pense que tout le monde parmi le lectorat aimerait essayer de produire un comics mais que personne ne sait vraiment comment cela se fait.
Mais par exemple, lorsque nous avons fait Anomaly, tout le procédé de réalité augmentée servait à approfondir le background, l’univers et les personnages. Sur Sonata, il y a un jeu sur la couverture qu’il est possible de débloquer en réalité augmentée.
Quant à Creative Creature Catcher, vous pouvez réellement vous immerger dans l’histoire, faire apparaître les personnages, les créatures. Mais le problème, c’est que le mieux pour le ressentir, c’est de l’essayer et c’est complexe à présenter.
Vous avez fait plein de choses dans l’industrie, éditeur, vous avez fondé votre propre label, votre propre studio, vous avez fait de la colorisation, du dessin, maintenant le scénario. C’est quoi la prochaine étape pour vous ?
Eh bien, ce serait de faire plus d’animations courtes comme ce que nous avons fait pour Sonata. J’ai développé une application pour capter mon visage et faire des animations faciales, des voix.
Comment vous réagissez aux changements qui se produisent dans l’industrie du comics de nos jours ?
Je pense que le comics sera toujours un produit de notre époque. Quand j’étais petit et que l’on allait dans les comics shops ou les conventions, il y avait peu de femmes. Aujourd’hui, c’est quelque chose de plus naturel et c’est très bien !
Merci beaucoup à Delcourt d’avoir permis la réalisation de cette interview ainsi qu’à Brian Haberlin d’avoir pris le temps de répondre à nos questions
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