Sourya à la Japan Expo : Partie 1
Premier jour du merveilleux périple que représente l’immuable Japan Expo, il fait chaud (comme toujours), il y a du monde (comme toujours), et la pop culture est célébrée (comme jamais). A 16h, rendez vous devant le stand Ankama à la rencontre de l’équipe et de Sourya, qui vient à peine de finir sa séance de dédicace quotidienne. Aujourd’hui auteur incontournable d’Ankama et du label 619, Sourya est accompagné de Talli tome 2. Sa première série en tant qu’auteur/dessinateur incroyablement attachante continue avec la sortie de ce deuxième volet. Moment rêvé pour évoquer avec Sourya lors d’un entretien-fleuve : son actualité, son parcours, ses influences, son trait…
LesComics.fr : Je suis, ainsi que toute l’équipe de Lescomics.fr, très fan de ton travail, que cela soit dans la branche principale d’Ankama qu’au sein du label 619. Mais pour les lecteurs qui ne te connaîtraient pas, peux-tu te présenter « dans les grandes lignes » ?
Sourya : Alors, Je m’appelle Sourya et ça fait plusieurs années que je travaille dans le milieu de la bande dessinée notamment chez Ankama et le label 619. J’ai commencé avec eux en 2012 sur ma première série qui est le spin-off de Freak’s Squeele, Rouge. Puis ensuite, j’ai enchaîné avec des one-shot dans Doggybags et Midnight Tales. Et là, depuis 2016, j’ai commencé ma toute première série en tant qu’auteur, Talli, fille de la lune. Qui est un manga. Ou pas, ça dépend des gens ! (rire)
Tu considères donc Talli véritablement comme un manga ?
Oui, pour moi l’objet est un manga. Mais cela ne me gêne pas que les gens trouvent ça trop différent, qu’ils appellent ça une BD ou autre chose. Ce n’est pas gênant car il y a vraiment un mix d’influences que j’assume totalement.
Oui, un mix qui me fait rapprocher Talli, personnellement, de Lastman. Un objet véritablement à part avec des influences tant du comics, du franco belge que du manga.
Oui. Alors pour le comics, je n’en ai jamais lu beaucoup. J’ai lu énormément de bd, surtout durant mes études. Et, j’aime beaucoup Lastman d’ailleurs, autant le format que l’histoire, c’est un parti pris de faire ces changements au niveau de l’objet, qui je trouve me correspond plus, me ressemble plus artistiquement. Et c’est ces petits changements là qui sont importants aussi je trouve, ce coté créatif jusque dans l’objet aussi.
Tu as donc participé jusqu’à la confection du format ?
C’est ça. J’en ai parlé avec Ankama, avec Run d’ailleurs, c’est lui qui gérait mon projet pour le tome 1. Et je pense que le fait que lui aussi ai un background très métissé participe au fait qu’il ai accepté sans débattre, ça m’a vraiment fait plaisir. Ce qui ne ce serait pas forcément passé comme ça chez les autres éditeurs.
C’est ce qui fait vraiment la force d’Ankama je trouve, un catalogue qui mélange les genres, assez hétéroclite et vraiment unique, cultivant la différence jusqu’au bout.
C’est ça, donc on a fait un objet vraiment différent, et cela vient avec ses points positifs et négatifs on va dire. Car certains n’aiment pas les objets trop différents.
Peut être plus difficile de trouver son public finalement ?
Ouais, clairement. Je pense que je suis passé à coté de la tranche d’âge adolescent, car j’en vois quasiment pas en dédicaces. (rires)
C’est marrant que tu dises ça. Car Bastien Vives disait la même chose de Lastman. Il ne savait pas à quel public il s’adressait, il pensait s’adresser à des adolescents, mais finalement c’était plus la tranche 25/35 ans qui a été touché plus qu’autre chose. Peut être ce mélange de genre touche plus ce type de public ?
Ouais mais quand je l’ai dessiné ce n’est pas du tout ce que je visais. Je visais aussi les adultes et les ado/adultes bien sûr, mais Talli c’est vraiment du shonen, c’est un récit d’aventure, très accessible, mais voilà en dédicace j’ai rarement des adolescents qui viennent me voir. Contrairement aux gens qui vont voir Tony Valente (auteur de Radiant) à la Japan Expo, qui sont vraiment très jeunes. Moi ce que j’ai eu c’est plutôt la vingtaine ou plus.
Pour en revenir à ta relation avec le label 619, comment en es-tu venu à travailler avec eux ?
Ça a commencé juste après mes études, j’étais en résidence d’artistes. Et à l’époque Florent Maudoux cherchait quelqu’un pour un spin-off de Freak’s Squeele. Et à l’époque Jonathan Garnier qui était éditeur chez Ankama, apparemment connaissait mon travail via internet et c’est comme ça qu’ils m’ont contacté pour travailler dessus. Moi je ne connaissais pas du tout le travail de Florent Maudoux, donc j’ai dû tout rattraper. Et je connaissais Mutafukaz, j’avais les premiers tomes. C’est comme ça que j’ai commencé à travailler avec eux dans le Label, j’ai déménagé pour travailler avec Florent dans son atelier, pour être cote-à-cote (rire). Pour débattre et échanger sur ce qui n’allait pas.
Travailler en atelier pour aussi dépasser cette solitude du dessinateur, seul face à sa planche ?
Oui, surtout quand tu es en travail d’équipe, ça va faciliter beaucoup les échanges. J’ai déjà travaillé avec d’autres scénaristes après coup, et c’est interminable ! Rien que pour de petites choses, moi j’appelle direct la personne, ça m’insupporte de devoir écrire un mail, tout un bloc de texte pour débattre d’un petit truc et la personne en face a peut être mal compris en plus (rire). Et donc c’est interminable. Alors que là, avec Florent, c’était vraiment super, cote-à-cote, ça allait vite et surtout ça permettait une symbiose sur le projet qui est vraiment de nous deux.
Depuis cet album, Rouge, jusqu’à aujourd’hui, on ressent beaucoup d’influences, du manga en premier lieu. Depuis quand date cette passion du manga ? Quelles œuvres t’ont le plus influencé ?
Le manga, je l’ai découvert via les animes à la base. J’ai envie de dire que ce qui m’a le plus marqué c’est Dragon Ball Z. j’ai vu d’autres animes mais j’ai commencé assez tard, vers 9 ans je pense. On m’avait prêté les cassettes. Car je n’ai pas grandi en France mais au Laos. Du coup on me passait des enregistrements du Club Dorothée. Je n’ai pas grandi avec le Club Dorothée mais avec ses enregistrements du coup (rires). Surtout des épisodes de Dragon Ball Z qui m’ont le plus marqué. Et à partir de là, ça m’a ouvert les yeux sur un autre style totalement addictif. Quand on passe d’un Astérix ou Tintin à quelque chose de totalement différent, il y a un coté tellement plus excitant… Et du coup j’ai continué à regarder d’autres dessins-animés. J’en retiens quelques-uns, ceux qui m’ont le plus marqué, comme Maison Ikkoku (Juliette je t’aime,en France) qui lui aussi m’a bouleversé par les émotions que je pouvais ressentir. L’écriture des personnages est vraiment génial, j’adore le coté théâtrale où chaque personnage a vraiment son caractère, où tout le monde est différent. Il y a un coté très caricatural mais qui n’est pas gênant, touchant plutôt.
Là où le manga met les personnages au centre du récit plus que l’intrigue, on le ressent également dans tes écrits, et dans Talli surtout…
J’aime beaucoup les histoires où les personnages sont comme ça, je pense qu’également dans les JRPG auquel je jouais, c’était ce genre de jeu qui me passionnait le plus. Pour revenir à mes influences il y a aussi Miyazaki. Pas encore les mangas, car mon frère en ramenait de France comme Nausicaa que j’ai découvert assez tard, mais je l’ai plus découvert avec les animes qui m’ont touché. Le premier film que j’ai vu de lui c’est Princesse Mononoké. Donc, j’ai raté toute une période de lui, mais le fait de découvrir celui-là en premier ça m’a choqué (rire). Je me disais : « mais on peut vraiment faire ça » ! Quand tu as 14/15 ans et que tu n’as jamais vu de film aussi fort mais ça te bouleverse totalement. Dans ma tête je me disais : « j’ai envie d’écrire des histoires, et créer des univers comme ça ». Ce qui a conçu mon style c’est surtout ces auteurs là. Mais j’aime beaucoup d’autres mangas, que mon frère me ramenait, il y avait Akira bien sûr, Video Girl Ai aussi. Que j’aimais beaucoup à l’époque, mais maintenant quand je rouvre les bouquins je trouve qu’il y a trop de fan service. Genre petite culotte ou autre. C’est marrant car à l’époque ça ne me gênait pas, mais maintenant le lire en tant qu’adulte j’ai plus de mal.
Mais sa deuxième série, Is a moins de fan service je trouve.
Oui j’ai lu les deux. Ça m’avait beaucoup inspiré à l’époque en tout cas, surtout pour dessiner les filles. Comme Nana également. Encore aujourd’hui je trouve que c’est vraiment super, en termes de narration et avec ses personnages encore une fois, elle a un humour qui est vraiment au top. Toutes ses blagues… tombent justes en fait. C’est vraiment étonnant mais il n’y a rien qui ne te fait pas rire, vraiment très fort. Après j’en passe, mais Rookies également de Morita, avec Racaille Blues. Des classiques des années 90 en quelque sorte.
Et pour toi, ton style de dessin aujourd’hui est-il « décidé », ou vas-tu t’autoriser des expérimentations, des changements ?
J’aime bien me dire qu’il va encore évoluer, car il est impossible d’arrêter l’évolution artistique je pense. Comme ta vision en général, c’est la vision du monde que tu as qui change en permanence. À moins que tu te forces à arrêter, comme Détective Conan, je ne sais comment il fait le mec (rire).
C’est vrai que ça reste exactement la même chose (rire).
Mais c’est vrai, du premier au dernier tome ! Il faudrait que je revérifie mais le style n’a pas beaucoup changé, alors que ce que l’on voit dans les mangas du premier tome avec le reste c’est que le dessin est tellement différent. Car le mec a évolué entre temps. Lui il s’en fout ! Mais pour ma part, oui j’aime expérimenter, je le fais dans mes carnets de temps en temps, changer d’outils. J’évolue moins maintenant, car quand on a commencé sa série on ne va pas tout à coup se dire qu’on va changer. Mais c’est impossible je pense, d’arrêter d’évoluer. Même là entre le premier et le deuxième tome de Talli je vois déjà des changements. Je ne sais pas dans quel style je me vois dans 10 ans mais je suis ouvert à changer bien sur.
Suite et fin de l’interview dans sa deuxième partie, prochainement.
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