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Batman Arkham Le Pingouin

 


 
En résumé
 

L’anthologie Batman Arkham : Le Pingouin nous donne un échantillon des aspects du Pingouin, et permet au lecteur d’en suivre les pas, de ses blessures à sa manière de tenter de les réparer, y compris par des voies illustrant ses mécanismes psychiques à l’œuvre.

 
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Publié 22 juin 2021 par

 
Dans le détail...
 
 

« Sous le Masque » : une rubrique qui vous invite à voir par le prisme de la psychanalyse sous le masque des super-héros et super-vilains de comics pour en dévoiler les énigmes et révéler leurs secrets inédits !

BATMAN ARKHAM : LE PINGOUIN est le troisième volume des anthologies thématiques parues chez Urban Comics sur les Némésis de Batman. Chaque volume propose un focus sur un des pittoresques vilains de la galerie de Batman. C’est au tour d’Oswald Cobblepot de voler dans les plumes de Batman à travers des épisodes allant des débuts du Pingouin en 1941 dans Batman #58 avec Bill Finger et Bob Kane (pas la femelle du canard) jusqu’à un récit focus de 2013 tiré (comme un pigeon) de Batman #23.3 intitulé “Brutes“. Nous passons par les récits sous serre de Marv Wolfman, dans les années 90, des dessins acérés de Kelley Jones dans une histoire de vol pour un nid de faucon de 1997.

batman arkham pingouin

Animal totem !

Alors, le Pingouin est-il fou à mettre en cage ? Ou est-il un être qui cherche à réparer ses ailes blessées, le Pingouin étant un des seuls oiseaux à ne pas voler. Alors pool ! C’est parti pour tirer au clair cette affaire. D’autant plus que l’oiseau de malheur n’a pas oublié de garnir ses parapluies fétiches de pièges affûtés. Son amour immodéré pour les oiseaux et les parapluies piégés est l’occasion de se poser la question : le Pingouin est-il fétichiste ? C’est ce que nous allons enfin éclairer SOUS LE MASQUE !

Nous pouvons aisément nous accorder sur un principe concernant les ennemis de Batman. Ceux-ci forment tous un reflet déformé du héros. Ainsi, chacun accentue un des motifs particuliers du justicier. Mais de quoi le Pingouin serait-il le reflet déformé ? Premièrement : à l’instar de l’homme chauve-souris, celui-ci s’affuble d’un nom d’animal ailé comme sobriquet. Deuxièmement : Oswald Cobblepot est issu d’une famille riche de Gotham, une cuillère en argent dans ses mains palmées. Un enfant gâté par sa condition sociale, et qui choisira un animal ailé comme totem pour ses obscures affaires, voici ce qui caractérise le Pingouin.

Des traumatismes dans le nid

Dans les épisodes de l’anthologie, nous avons un aperçu de l’enfance de Oswald Cobblepot. A la fois de ses relations difficiles avec ses pairs mais aussi un aperçu des relations ombrageuses avec sa mère. Si l’enfant naît disgracieux, cette morphologie atypique lui vaut les quolibets et autres noms d’oiseaux de ses camarades. Le Pingouin sera l’un d’eux, son nez en forme de bec, sa petite taille rondelette, et ses doigts palmés fourniront à ses pairs toute la panoplie pour harceler ce pauvre Oswald. Victime de harcèlement, il n’aura plus qu’à aller se réfugier dans son nid. Mais son nid n’est pas sûr. C’est ce qu’un récit nous montre lors d’un flashback où sa mère surprotège son petit oisillon sans défense. Si par nid chacun entend un endroit où il peut se sentir en sécurité, c’est tout l’inverse qui attend le jeune Oswald dont la mère prédit sur sa tête les pires orages. Lui annonçant avec rage que le ciel peut lui tomber sur la tête, elle l’affuble d’un parapluie en permanence.

L’origine de cette protection illusoire à laquelle l’oblige sa mère réside dans un point précis : le père d’Oswald est mort d’une pneumonie après être sorti en pleine averse. C’est du moins ce qu’en raconte cette mère tyrannique et agressive qui n’offre pas de nid suffisamment sécurisant à son jeune enfant, le frappant à coups de parapluie jusqu’à ce qu’il se résigne à le prendre en plein soleil. Cette relation mère-fils pathogène illustre le manque de sentiment de sécurité qui permet à chaque enfant de se réfugier dans un espace psychique construit par ses parents, ou les adultes référents. Ici, pas de nid de sécurité pour Oswald, qui construira son nid auprès de deux autres éléments : la lecture et les oiseaux.

Les coups de parapluie

Des coups de parapluie reçus aux coups de parapluie distribués, il n’y a qu’un pas. Un pas que le Pingouin franchit en usant de ce parapluie source de maltraitance pour lui en une arme à destination d’autrui. Et il ne cessera de le remplir de pièges comme autant de pièges il n’aura pu éviter enfant. Il continuera néanmoins de recevoir des coups de parapluie dans ses amours à sens unique.

En effet, nous verrons Oswald Cobblepot tenter de séduire des femmes auxquelles il n’a pas accès. Au vu des proies qu’il se choisit, le Pingouin illustre comment il cherche inévitablement à se faire rejeter. Pris dans une répétition de son enfance, Oswald Cobblepot reproduit le lien avec sa mère, ne pouvant s’envoler de ce lien tyrannique où il est tantôt le tyran tantôt la victime. Et c’est alors touchant de voir comment Oswald écrit l’anti-manuel du séducteur à son insu. Au-delà de son apparence physique, c’est sa personnalité qui le ramène au sol, incapable de décoller de son passé le rabaissant.

Le parapluie (…) un objet de pouvoir sécurisant

Le parapluie représente ainsi cet objet dont sa mère usait pour à la fois le rabaisser et à la fois le protéger. Dans cet objet ambivalent figure ainsi la mère ambivalente, celle qui aime son petit mais aussi le déteste pour ce qu’il représente et qu’elle lance à la face du jeune Oswald : mort, il sera comme son père, il ne lui servira à rien. Dans cette relation pathogène pour l’enfant, celui-ci se représente comme n’étant qu’un objet devant servir au désir du parent, pas comme une personne à part entière. Avec ces mots lancés comme des coups de parapluie piégés, sous couvert de protection, l’enfant se trouve réduit à un objet dans une relation insécurisante.

Dans une telle relation, Oswald comme d’autres enfants tentent de conserver à tout prix l’attachement de ce parent volatile, qui pourrait lui échapper à n’importe quel moment. Plus tard, cette relation formera le modèle des autres relations que construira l’enfant devenu grand. Oswald Cobblepot devenu le Pingouin s’accrochera à son parapluie comme à un objet de pouvoir sécurisant. C’est une arme face à ceux qui le surpassent, en inversant sa place de victime à agresseur, devenant le bourreau tout en cherchant toujours une figure d’attachement qui ne le lâche pas : des femmes, ou Batman !

Objets envolés et Fétiches volés

Le Pingouin ne cessera d’utiliser des objets à connotation aviaire, de voler des représentations d’oiseaux valant leur paquet de cacahuètes, dans sa carrière, tout en laissant des indices à Batman pour que celui-ci soit tenu de lui courir après. Nous tenons ici deux éléments caractéristiques. D’une part, l’utilisation d’objets chez le Pingouin représente une valeur au-delà de leur valeur objective, ce que nous appelons fétiches. D’autre part, cette manie qu’a le Pingouin de toujours se débrouiller pour que Batman lui vole dans les plumes, ce qui correspond à cette quête d’attention constante chez Oswald Cobblepot.

La valeur des objets que vole le Pingouin dépasse leur valeur réelle. Elle les hisse au rang d’objets ayant une valeur symbolique. Ceux-ci représentent le stade de fixation du Pingouin. Celui-ci est resté fixé à une étape où l’enfant cherche à devenir l’objet d’amour de sa mère. Cela lui permet de le devenir provisoirement. Il le dépassera ultérieurement en se tournant vers d’autres objets et relations d’amour. Sauf qu’ici Oswald Cobblepot n’a jamais bénéficié d’un sentiment de sécurité suffisant auprès de sa mère pour s’en détacher. D’où sa fixation à ce stade, celui de devenir l’objet, puis d’acquérir les objets représentant ce qui est digne d’amour.

Fixation phallocratique

En psychanalyse, cet objet s’appelle phallus. Et ici, le parapluie-phallus en représente une image convaincante, dont le Pingouin ne se sépare jamais et qui représente ce qui le hisse à égalité avec un ennemi tel que Batman. Les oiseaux représentent une deuxième catégorie d’objets fétiches, de ceux qui ne le lâchent jamais, objets qu’il peut, contrairement à sa mère, garder auprès de lui et subtiliser sans fin. A ceci près que ces objets ne représentent jamais complètement ce que recherche, désire au fond le Pingouin. Ils n’en sont que des ersatz, des objets de remplacement, représentant par leur valeur fétiche un moyen de s’attribuer, momentanément au moins, un pouvoir qui comble ses humiliations passées et le fait de n’avoir jamais été l’objet d’amour suffisant pour sa mère.

A Batman ensuite de représenter celui qui le recherche, comme le montrent notamment des épisodes de cette anthologie où le Pingouin sème intentionnellement des indices afin que l’homme chauve-souris le poursuive. « Quel est l’intérêt de commettre un crime si personne ne sait qu’on l’a commis ? » lancera Oswald Cobblepot à son acolyte. Oswald est alors un individu en quête d’attention et d’attachement.

Comme les personnes ayant manqué de cet attachement sécurisant, il cherche maladroitement à faire en sorte que les autres lui courent après, même pour de mauvaises raisons. Le Pingouin ira dans un épisode jusqu’à s’imaginer sous les traits charmants de Bruce Wayne lorsque celui-ci danse avec la femme qu’il convoite. Alors que Bruce Wayne dira ces mots « Je pense qu’on ne devient pas ce que les autres font de nous, seul ce qu’on fait de nous-mêmes compte ». Le Pingouin perdu à se rêver à la place de Bruce Wayne n’entendra hélas pas ces mots qui s’envoleront pour lui comme une volée d’étourneaux.

L’anthologie Batman Arkham : Le Pingouin nous donne ainsi un échantillon des aspects du Pingouin, et permet au lecteur d’en suivre les pas, de ses blessures à sa manière de tenter de les réparer, y compris par des voies illustrant ses mécanismes psychiques à l’œuvre.
Une différence de taille réside dans ces mots entre Bruce et Oswald, entre Batman et le Pingouin. Pris dans ses fétiches et dans une quête composée de ses failles qu’il subit, d’objets d’amour après lesquels il court de façon malhabile, le Pingouin reste incapable de décoller de son passé, le répétant en devenant bourreau là où il était victime, sans voir qu’il ne fait ainsi que reproduire le même schéma. C’est alors pour le Pingouin une migration sans fin, en allers et retours entre vols et cages, entre fétiches et objets perdus, toujours sur les mêmes pas.

 

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Chroniqueur et psychanalyste, Alex Hivence passe sous son regard psychanalytique les comics! Et analyse les personnages Sous le Masque


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      Alex Hivence
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      L’anthologie Batman Arkham : Le Pingouin nous donne un échantillon des aspects du Pingouin, et permet au lecteur d’en suivre les pas, de ses blessures à sa manière de tenter de les réparer, y compris par des voies illustrant ses mécanismes psychiques à l’œuvre.

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