Like a hobo

Lodger est un récit indépendant, complet et court de Maria et David Lapham (Stray Bullets, Crossed). Ricky, jeune femme américaine, parcourt l’Amérique rurale à la recherche d’un homme avec pour seul bagage un pistolet Smith & Wesson doré.

Lodger est proposé par les Éditions Delcourt au prix (sympathique) de 15.95€ pour 128 pages.

Délicieusement malaisant

David Lapham nous a habitués à une forme de malaise dans son œuvre la plus célèbre, Stray Bullets. C’était surtout la violence (suggérée) des situations qui créait le choc chez le lecteur (je pense notamment à un personnage nécrophile). Mais aussi la caractérisation de personnages à l’équilibre mental tout à fait incertain. On retrouve ces éléments dans Lodger. Si la violence graphique est bien présente, j’ose affirmer qu’elle est banale pour ce type de recueil indépendant pour lecteurs matures. C’est pour le coup la manière d’être des personnages et leur caractérisation qui viennent semer le trouble. Il est difficile de suivre le cheminement de leur pensée, comme si nous étions plongés dans les méandres irrationnels de leur esprit. La narration sert brillamment cet aspect en offrant des changements de scènes inattendus pour ne pas dire impromptus, qui viennent enfoncer le lecteur dans la fange de cette Amérique profonde.

Au bord du fantastique

Lodger sous ses aspects de thriller-road trip nous propose une histoire fantastique. En effet, l’un des personnages possède des talents de maquillage et d’imitation. Ils lui permettent de se faire passer pour une autre personne, même auprès des proches de celles-ci. Les auteurs/illustrateurs s’en donnent à cœur joie en modifiant d’ailleurs le visage de celui-ci d’une case à l’autre. Tel un véritable métamorphe. Si cela peut s’avérer déconcertant par moments, cela donne la véritable impression que le personnage en question est une anguille, insaisissable, fuyant en décomposant son corps.

Des dessins très typés

Si Lodger a été écrit à 4 mains par les époux Lapham, il n’a été illustré que par celles de David. Sa ligne claire et son style sobre, en noir et blanc, est très marqué du sceau des ouvrages indépendants. Si ce style permet de faire la part belle au premier plan et aux personnages qui l’occupent, cela peut vite amener un sentiment d’oppression. J’ai pu me sentir un peu étouffé dans un manque de profondeur des cases. Cependant, cela convient une fois de plus, aux récits de David Lapham, qui semble prendre un malin plaisir à créer une ambiance d’inconfort chez le lecteur, pour mieux le plonger dans son univers crasseux.

Bref, Lodger est un bon thriller qui n’est pas sans rappeler la série True Detective. Toutefois, il faut aimer les atmosphères inconfortables. Car le talent des auteurs permet de faire transpirer des pages la folie des personnages.